Le 8 décembre 2005, l’asbl Grepa a reçu le soutien financier de la Cocom afin de pouvoir réaliser une première analyse statistique de la situation des ménages suivis par les services de médiation de dettes de la Région de Bruxelles Capitale.
Ce document résume la mise en œuvre du projet ainsi que les principaux résultats de l’analyse des données récoltées en 2006 entre le 1er septembre 2006 et le 31 décembre 2006. Lisez le document en fin d’article.
1. Le Contexte
Depuis une dizaine d’années, suite à une réelle volonté politique d’agir préventivement contre le surendettement, les services de médiations de dettes (SMD) se sont développés partout en Belgique.
Aujourd’hui, les SMD à Bruxelles, tout comme en Wallonie1Prévention et traitement du surendettement en Région wallonne, Rapport d’évaluation 2005, Observatoire du Crédit et de l’Endettement, page 39 et en Flandre2Armoede en sociale uitsluiting, Jaarboek 2005, Jan Vranken, Katrien De Boyser en Danielle Dierckx, Acco, Leuven, page 61, sont débordés par le nombre de demandes. Les listes d’attente perdurent. Les situations des personnes en médiation sont toujours aussi complexes et difficiles. Par ailleurs, les médiateurs de dettes bruxellois doivent de plus en plus souvent faire face à des situations où les ressources du ménage suffisent à peine à couvrir les besoins vitaux et ne permettent pas de dégager un disponible pour le remboursement des dettes.
Pour mieux appréhender ce phénomène en perpétuelle évolution, il est essentiel de pouvoir disposer de statistiques fiables pour le Région de Bruxelles Capitale.
Jusqu’à ce jour, les seules données statistiques publiées en Belgique relatives au travail des services de médiation de dettes et au surendettement des ménages suivis par ces services concernaient exclusivement la Région wallonne via le rapport annuel sur « la Prévention et le traitement du surendettement en Région wallonne » publié par l’Observatoire du Crédit et de l’Endettement.
Par ailleurs, il est à noter que la Région wallonne récolte également diverses données statistiques. Le subside octroyé aux services de médiation de dettes par la Région wallonne est conditionné à cet encodage.
Tout récemment, la Région flamande a également émis le souhait de disposer de statistiques en la matière.
Le décret du 28 avril 2006 modifiant le décret du 24 juillet 1996 concernant l’agrément des services de médiation de dettes en Région flamande indique que les services de médiation de dettes doivent transmettre des statistiques standardisées au Gouvernement flamand dans le courant du premier trimestre de chaque année. C’est notre homologue flamand le Vlaamse Centrum Schuldbemiddeling qui est chargé de l’analyse de ces données.
2. Les Objectifs
L’analyse des données récoltées dans les services de médiation de dettes bruxellois permettra – nous l’espérons – de dégager des pistes à envisager afin d’améliorer la qualité des services proposés aux personnes surendettées, de mieux appréhender les besoins et les attentes des personnes concernées et de mettre en place une politique cohérente et efficace tant au niveau de la médiation de dettes que de la prévention du surendettement.
3. La Mise en oeuvre du projet
3.1 La récolte des données via un logiciel informatique de gestion des dossiers
Dans le cadre de leur travail quotidien, les médiateurs de dettes récoltent de nombreuses informations sur les personnes surendettées. Leurs dossiers « papier » recèlent une foule d’informations sur la situation socio-économique des ménages suivis en médiation de dettes, sur leurs ressources, leurs charges quotidiennes, leurs dettes, …
Par ailleurs, sur le terrain, les médiateurs de dettes sont débordés par le nombre de demandes. Les tâches administratives sont très lourdes et absorbent une très grande partie de leur temps de travail au détriment même parfois de la rencontre avec la personne et de l’analyse de fond des dossiers (vérification des créances, aspects juridiques, économiques, …).
L’informatisation devient essentielle mais très peu de services à Bruxelles disposent d’outils informatiques spécifiques à la médiation de dettes.
Soucieux d’éviter un encodage supplémentaire aux médiateurs, l’asbl Grepa a donc créé un programme informatique à double finalité permettant: (i) la gestion des dossiers de médiation de dettes et l’allègement du travail administratif des médiateurs de dettes et (ii) la récolte et le traitement de données pertinentes et spécifiques d’un point de vue statistique.
Ce logiciel a été mis gratuitement à la disposition de tous les services de médiation de dettes bruxellois.
Aucune donnée relative à l’identité des personnes n’est récoltée.
3.2 Une double validation du projet
Tout au long du projet, nous avons veillé à la qualité scientifique des données récoltées et de l’analyse en nous assurant la collaboration de l’Université d’Anvers. La première analyse de ces données a été réalisée par Katrien De Boyser de l’Université en collaboration avec notre ASBL.
Soucieux de témoigner de la réalité de terrain, nous avons également intégré dans le rapport les commentaires des médiateurs de dettes. Cette collaboration permet de témoigner de leur expérience de terrain.
3.3 Mise en place officielle et présentation des services partenaires
Nous avons préalablement testé le logiciel auprès de 6 services de médiation de dettes de juillet à août 2006.
Dès septembre 2006, sur base de la signature d’une convention de partenariat, nous avons installé le logiciel dans chaque service partenaire.
Sur les 24 SMD subsidiés par la COCOM, 14 ont signé la convention. Parmi 10 d’entre eux marqués d’une étoile (*), nous avons récolté les dossiers constituant notre échantillon :
le CPAS de Koekelberg*, l’asbl Cité Modèle*, le CPAS de Schaerbeek*, l’asbl Centre Social Protestant*, le CPAS d’Anderlecht*, l’asbl Le Nouveau 150, le CPAS d’Uccle*, le CPAS de Forest*, le CPAS de Woluwé Saint Lambert*, l’asbl CAFA* (CPAS de Saint Gilles), le CPAS d’Ixelles, le CPAS d’Auderghem, le CPAS d’Etterbeek, l’asbl Armée du Salut.
En ce qui concerne les autres services : certains n’ont pas encore répondu, tandis que d’autres ont signé la convention mais ne disposent pas encore du logiciel.
Depuis le dernier 21 décembre 2006, nous bénéficions également du soutien financier de la Cocof, ce qui nous permettra d’installer également le programme dans les services de médiation de dettes agréés par la Cocof.
4. Les Résultats
4.1 Avertissement
A l’heure actuelle, il convient d’être très prudent en ce qui concerne l’analyse et l’interprétation des données récoltées.
- D’une part, les données recueillies ne concernent que des personnes suivies par les services de médiation de dettes bruxellois.
- D’autre part, l’échantillon actuel n’est pas encore suffisamment représentatif. En effet, les chiffres présentés ci-après se basent sur un échantillon de 403 dossiers encodés par 10 services de médiation de dettes agréés par la COCOM durant 4 mois. Cet échantillon sera élargi en 2007.
NB. Pourcentages hors non réponses
4.2 La Médiation de dettes
Les personnes suivies par les SMD ont eu connaissance du service principalement via le bouche à oreille (29,6%) et par un autre service de l’institution (28,4%). Nous constatons ainsi que les personnes surendettées sont plutôt bien orientées par les services sociaux de première ligne.
Les médiateurs de dettes estiment que pour une personne sur cinq (21,4%), la cause du surendettement est liée à des revenus trop bas pour couvrir les besoins vitaux.
La dette qui a poussé le demandeur à demander de l’aide est, dans la plupart des cas (29,5%), une dette d’impôt.
A l’ouverture du dossier, nous constatons qu’un quart des demandeurs (26,0%) ont déjà dû faire face à un exploit de huissier.
4.4 Les Revenus
A l’inventaire des sources de revenus principaux (professionnels et de remplacement), nous constatons que les ménages disposent :
- 84,4% d’un seul revenu ;
- 14,8% de deux revenus ;
- 0,8% de trois revenus.
Les revenus principaux se répartissent ainsi :
- 74,3% de revenus de remplacement ;
- 25,7% de revenus professionnels.
En ce qui concerne les revenus de remplacement en particulier, il s’agit dans 55,8% d’une allocation de chômage.
Pour plus de la moitié des ménages qui disposent d’un revenu professionnel, le revenu mensuel se situe entre € 1.000 et € 1.500. Pour les ménages qui vivent uniquement avec des revenus de remplacement, la moitié ont des revenus inférieurs à € 1.000.
Les montants moyens mensuels des revenus sont légèrement plus élevés dans les ménages suivis par les SMD en Wallonie pour tous les types de ménage mais particulièrement pour les couples avec enfants (€ 1.791,6 en Wallonie, contre € 1.495,6 à Bruxelles).
4.3 Le Profil des personnes suivies
L’analyse des caractéristiques socio-démographiques, permet de dégager les profils des premiers demandeurs:
- 60,4% des personnes sont âgées entre 25 et 44 ans.
- 53,5% de femmes et 46,5% d’hommes dans l’ensemble.
Par contre, les femmes sont largement majoritaires dans les familles monoparentales (90,3%).
- 73,0% de Belges.
- 56,4% de personnes isolées.
- 35,0% de célibataires ; 23,1% de marié(e)s ; 22,3% de divorcé(e)s ; 12,7% de séparé(e)s et 6,9% de veufs-veuves. Nous constatons une proportion beaucoup plus élevée de personnes divorcées (et séparées de fait) dans notre échantillon par rapport aux chiffres INS3 Pourcentages de personnes divorcées (et séparées de fait) au Grepa : 35,0% et à Bruxelles-Capitale selon l’INS : 8,3%..
- 22,8% de personnes ont un diplôme de secondaire supérieur général.
- 93,9% de locataires soit 72,9% de locataires de logement privé et 18,4% de logement social avec un loyer moyen de respectivement € 440 et € 360.
4.5 Les Dépenses
Les dépenses liées au logement (loyer/prêt hypothécaire, eau, gaz/électricité, autres moyens de chauffage, charges, autres) représentent 38,0% du revenu moyen des ménages et les dépenses liées au ménage (alimentation, tabac, entretien du ménage, autres) représentent, quant à elles, 21,2%.
4.6 Les Dettes
En moyenne, on comptabilise 6,1 dettes par dossier.
Le montant total médian de l’endettement est de € 4.620 par ménage et de € 3.844 par personne, mais il existe de grandes disparités dans les montants de dettes rencontrés.
Un peu plus de la moitié (52,7%) des ménages suivis par un SMD bruxellois ont un montant total de dettes de moins de € 5.000, contre 35,9 % en Wallonie.
Les proportions par type de dettes parmi l’ensemble des dettes se présentent ainsi :
- Dettes de crédit : 29,1%
- Dettes de logement : 20,3%
- Dettes de soins de santé : 19,6%
- Dettes d’alimentation : 14,5%
- Dettes de mobilité – communication : 10,0%
- Dettes publiques : 5,1%
- Dettes de crèche / d’école : 1,4%
Les dettes de crédit concernent 57,8% de dossiers. 42,2% des ménages n’ont pas de dette de crédit.
Dans 92,6 % des dossiers, il y a au moins une dette qui n’est pas en rapport avec un crédit.
5. Bilan et Perspectives d’avenir
5.1 La satisfaction des services de médiation de dettes
Il est évident que, si nous voulons un jour que le logiciel soit utilisé régulièrement par tous les travailleurs de terrain, il doit répondre à leurs attentes et à leurs besoins. C’est pourquoi nous devons continuer à évaluer avec eux l’outil, à le mettre à jour et à le développer. Il faudra encore encourager et aider les médiateurs de dettes à apprivoiser ce nouvel outil informatique.
6.2. La qualité des données récoltées
En ce qui concerne l’analyse des données statistiques, les tendances relevées à Bruxelles sont cohérentes lorsque nous les comparons à d’autres sources, notamment avec celles de l’Observatoire du Crédit et de l’Endettement
Les données répertoriées permettent assez facilement de donner un aperçu du profil socio-économique des personnes, et de leur endettement.
Par contre, certains indicateurs qui ne sont pas utiles immédiatement au médiateur de dettes dans le cadre de son travail sont plus difficiles à obtenir. Si nous souhaitons obtenir ces données, il nous faudra continuer à motiver les travailleurs de terrain et à les convaincre de leur importance.
Les perspectives d’avenir
Notre souci est évidemment de pouvoir élaborer des statistiques bruxelloises qui puissent être comparées annuellement aux données récoltées en Wallonie et en Flandre.
En outre, pour nos analyses futures, nous envisageons notamment de…
- récolter toutes les données (tous les dossiers de tous les services et non plus un échantillon) nécessaires à l’élaboration d’une analyse exhaustive du surendettement reflété à travers les SMD.
- réaliser une étude longitudinale en vue d’analyser les évolutions qui touchent une personne ou un groupe de personnes au fil du temps.
- comparer nos données avec d’autres sources bruxelloises, fédérales, et même européennes telles que les données de l’ORBEM, de l’INS, du SILC Europe, etc.
Nous souhaitons également développer dans l’avenir des études approfondies et plus qualitatives sur des thématiques particulières (par exemple, la problématique des ménages insolvables, le loyer, l’énergie, le crédit à la consommation, le règlement collectif de dettes, etc …).
Le document complet présentant tous les résultats de la première analyse chiffrée de la situation des ménages suivis par les SMD bruxellois est disponible ci-dessous.
Chiffres disponibles sur le site Internet de l’INS: http://statbel.fgov.be, dernière consultation le 24/04/07.
- 1Prévention et traitement du surendettement en Région wallonne, Rapport d’évaluation 2005, Observatoire du Crédit et de l’Endettement, page 39
- 2Armoede en sociale uitsluiting, Jaarboek 2005, Jan Vranken, Katrien De Boyser en Danielle Dierckx, Acco, Leuven, page 61
- 3Pourcentages de personnes divorcées (et séparées de fait) au Grepa : 35,0% et à Bruxelles-Capitale selon l’INS : 8,3%.