Dans le cadre de la grande réforme des procédures de recouvrement amiable et forcé prévue dans l’accord de gouvernement fédéral du 30 septembre 2020, nous avons travaillé main dans la main avec nos homologues flamand (le SAM) et wallons (l’Observatoire du Crédit et de l’Endettement) ainsi qu’avec le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté (le BAPN) afin de proposer des revendications communes à tout le secteur.
En juillet 2022, nous avons appris que le Ministre de la Justice, Monsieur van Quickenborne, avait l’intention d’étendre la procédure de recouvrement des créances incontestées (RCI) aux relations entre professionnels et consommateurs (BtoC).
Cette mesure était proposée dans le cadre de la lutte contre l’endettement alors que, selon notre analyse, elle aurait eu des conséquences désastreuses pour les consommateurs et aurait pu contribuer à un renforcement de l’endettement des particuliers.
De quoi s’agit-il ?
La procédure de recouvrement des créances incontestées offre au créancier la possibilité d’obtenir un titre exécutoire au moyen d’une procédure expéditive, sans avoir à recourir à un juge.
En effet, il lui suffit, après avoir reçu l’aval d’un avocat de mandater un huissier de justice pour en réclamer le paiement au débiteur. L’huissier de justice signifie, alors, une sommation de payer au débiteur, à laquelle est joint un formulaire de contestation. Si le débiteur ne réagit pas dans le mois de la sommation de payer, le créancier dispose d’un titre exécutoire équivalent à un jugement !
Cette procédure constitue un renversement des principes fondamentaux qui régissent notre état de droit et porte atteinte de manière disproportionnée aux intérêts légitimes du consommateur :
- Ce n’est pas parce qu’une créance n’est pas contestée qu’elle n’est pas contestable !
- Le consommateur, partie faible au contrat, doit à ce titre bénéficier de la protection d’un juge. Le droit européen impose d’ailleurs que le juge contrôle d’office (même lorsque le consommateur n’est pas présent à l’audience) la légalité de certaines clauses d’un contrat de consommation.
- En favorisant l’obtention rapide d’un titre exécutoire, cette procédure réduit d’autant les chances d’un règlement à l’amiable de la créance.
- Cette mesure est contreproductive pour lutter efficacement contre le surendettement puisque le consommateur fera plus rapidement l’objet de mesures de recouvrement forcé (saisies sur salaire, saisie de biens mobiliers, etc…). Or, si les frais de justice alourdissent effectivement la dette, les frais d’exécution (= les frais d’huissier) peuvent s’accumuler sans limite pèsent encore plus lourds pour le débiteur.
- La possibilité donnée au consommateur de s’opposer, après coup, au PV de non-contestation devant un juge ne compense en rien l’absence de contrôle du juge avant l’obtention du titre exécutoire. La pratique montre en effet que le consommateur, surtout lorsqu’il est précarisé ou financièrement fragilisé, est totalement démuni face à la complexité du système judiciaire et à son coût. La possibilité d’opposition offerte aux consommateurs restera donc purement théorique pour beaucoup d’entre eux.
- L’argument selon lequel cette procédure coûtera au final moins au consommateur que les frais liés à une citation en justice est à relativiser car inévitablement, l’avocat et l’huissier de justice seront indemnisés pour leur intervention et l’huissier, pour la sommation qu’il devra signifier. Même plafonnés par arrêté royal, ces frais seront élevés et augmenteront d’autant le poids de la dette.
Nous avons donc mener une large action de sensibilisation au niveau national tant auprès du Ministre qu’auprès d’autres membres du gouvernement, des parlementaires, des magistrats, des avocats et de nos partenaires de l’associatif afin qu’ils se joignent pour s’opposer à cette initiative qui risquait de porter fortement atteinte aux droits des consommateurs et de précipiter de nombreuses personnes dans la spirale du surendettement.
D’autant plus qu’il existe d’autres propositions pour lutter efficacement contre le surendettement, propositions qui sont soutenues par notre association et par de nombreux autres acteurs de terrain (avocats, magistrats, etc.).
Nos efforts ont porté leurs fruits car l’initiative a été abandonnée.