Après un périple de quatre mois à travers Bruxelles, ponctué de six étapes dans des communes emblématiques de la capitale belge, la Caravane des révolté.es a posé ses valises le temps d’un week-end à l’espace Bruegel.
Ce projet itinérant, à la fois créatif et militant, a invité les visiteurs à une réflexion collective sur la surconsommation, le surendettement et la montée des inégalités sociales. L’exposition a su mêler art, ateliers participatifs et moments de performance pour aborder ces sujets complexes avec humour, réflexion et engagement.
Un parcours immersif et interactif
À l’entrée, chaque visiteur se voit remettre un petit pion de couleur, symbolisant son parcours au sein de l’exposition.
La visite, qui dure environ une heure, se déroule à travers une série de stands exposant les réalisations créatives des participants au voyage de la Caravane, chacun évoquant une facette de la vie quotidienne marquée par la précarité et les tensions sociales.
Broderie, poterie ou écriture de textes frappants : les visiteurs sont transportés au gré des vents à travers les réalités symboliquement représentées par toutes ces personnes touchées de près ou de loin par les désastres du surendettement. Invités à réfléchir sur ces images, ces affiches et ces objets, les participants partagent librement ce que leur évoquent les mots, les couleurs et les sentiments qu’ils découvrent grâce aux créations.
Une affiche montre un homme sous assistance respiratoire.
Que nous évoque cette image ? Une réflexion spontanée émerge sur l’asphyxie vécue par les personnes touchée par le surendettement.
La robe qui trône au centre de la salle donne à la couture une dimension symbolique.
La couture peut-elle être un acte de résistance, à la frontière de l’oppression et de la libération ? Toute la liberté est laissée au visiteur qui se laisse porter par la force des mots silencieux qui crient au fil des coutures.
Que vous inspire un livre de cuisine ou la question “Que feriez-vous si vous gagniez un million d’euros ?”
Ces réflexions sous forme de textes écrits par les participants invitent à penser à la place de l’argent dans nos vies et à la notion de richesse, qu’elle soit culturelle ou pécuniaire.
Quelle image la société nous renvoie-t-elle ?
Les masques deviennent une métaphore de l’identité sociale, du masque que l’on porte face aux autres et à soi-même.
« En tant que médiatrice de dettes, cette approche est complémentaire aux démarches concrètes d’accompagnement. Les personnes ne partagent pas les mêmes informations et laissent plus de place à leurs ressentis. Laisser aux personnes la possibilité de sortir de l’urgence et de laisser place aux échanges de manière ludique nous permet d’avoir aussi une vision plus large sur les problématiques financières ». – Alix, médiatrice de dettes aux Petits Riens, Forest
Ces ateliers, conçus pour susciter la réflexion et l’expression personnelle, ont rencontré un franc succès. Ils ont permis de briser la glace sur des sujets difficiles autour du surendettement, en engageant des discussions sincères et souvent émouvantes.
Une expérience multisensorielle : spectacles et performances
L’exposition ne s’est pas limitée aux stands. Deux spectacles ont également marqué cette expérience immersive, se déroulant dans l’obscurité pour accentuer l’intensité des propos et des gestes.
Le premier spectacle mettait en scène une comédienne déclamant des textes similaires à ceux des stands précédents, où la déclamation prenait des accents poignants, apportant une dimension théâtrale au thème du surendettement. Le second spectacle, une danse improvisée, explorait le rapport du corps au surendettement, avec des gestes symboliques illustrant les tensions physiques générées par la pression et les angoisses liées aux difficultés financières.
Pour moi, ça a été une superbe expérience d’un grand projet porté par des personnes de statuts très différents : artistes, travailleurs sociaux, témoins du vécu, médiateurs de dettes, animatrices en prévention. Une ambiance chaleureuse dans une organisation pointue, avec une cohérence d’ensemble. » – Anne-Marie, animatrice en prévention du surendettement
Des sketchs humoristiques pour dédramatiser le surendettement
Pour aborder le sujet du surendettement de manière ludique et décalée, deux sketchs ont été présentés.
Le premier, “Surendeto”, est une satire mettant en scène un couple de vaches.
Après avoir contracté un crédit qu’elles ne peuvent rembourser, elles se retrouvent confrontées à un juge et un huissier, avec lesquels la spirale du surendettement commence.
Le deuxième sketch met en scène un assistant sarcastique qui, ne voyant pas le politicien qu’il assiste arriver, tente de divertir le public en lisant ses fiches à sa place.
Il énumère les malheurs des plus démunis avec un sarcasme mordant : “Il y a toujours plus pauvre que vous”. Une manière de dénoncer le cynisme souvent observé dans les discours politiques sur la pauvreté.
Parler d’argent et de difficultés financières n’est plus tabou, définitivement ! – Anne-Marie, animatrice en prévention du surendettement
La conférence-gesticulée : un regard critique sur le logement à Bruxelles
La journée s’est clôturée par une conférence-gesticulée, une forme hybride entre conférence et théâtre, animée par Sarah De Laet, géographe et spécialiste du logement à Bruxelles.
Son spectacle-conférence partage son parcours personnel, en lien avec les problématiques du logement dans la capitale belge.
Dans les villes de l’an 2000 la vie ne semble pas plus facile … les loyers flambent, de plus en plus de personnes “vivent” en rue, peu de logements sociaux se construisent, des milliers d’expulsions ont lieu chaque année, et des bâtiments de logements chics se construisent mais restent vides… que se passe-t-il dans nos villes ?
À travers son récit, Sarah De Laet met en lumière les conditions de vie difficiles dans certains quartiers de la ville, tout en soulignant la question de l’accessibilité au logement.
Son intervention a abordé les questions de la spéculation immobilière, de l’insalubrité des logements et des inégalités croissantes entre les classes sociales, notamment après les rénovations urbaines.
« Lors des échanges de parole, chacun et chacune partage son expérience et ses difficultés. Une dame nous explique « J’ai la chance de vivre dans un appartement avec terrasse à Woluwe. Mais c’est très difficile car le prix du loyer augmente chaque année avec l’indexation. Je ne sais pas si je pourrai rester dans l’appartement ». – Alix, médiatrice de dettes aux Petits Rien, Forest
Deux journées riches et des objectifs atteints
« Je me souviens d’un moment après les spectacles où plusieurs personnes ont pris du plaisir à poser en photo avec les artistes présents sur scène. Ce moment m’a fait sourire car je me suis dit qu’elles partent de cette journée avec un souvenir de qualité qu’elles ont envie de garder auprès d’elles ». – Alix, médiatrice de dettes aux Petits Riens, Forest
La Caravane des révolté.es a offert un aperçu saisissant de la vie dans une société où les inégalités économiques semblent se creuser chaque jour davantage. À travers l’art, l’humour et la performance, l’exposition a permis d’aborder des problématiques complexes tout en engageant les visiteurs dans une réflexion active et participative.
Plus qu’une simple exposition, cette “Caravane” a été un véritable voyage au cœur des réalités sociales de Bruxelles.
Pour en savoir plus, lisez notre article sur le projet “Trop chère la vie : La Caravane des révolté.es” avant l’exposition : https://www.mediationdedettes.be/prevention/la-caravane-des-revoltes/, pour comprendre comment est née l’initiative.